Juliet Lemonnier (Demain nous appartient) : "Moi aussi, j’ai été exposée à des prédateurs"

 Rachel est arrivée à Sète en juin dernier. Mais un viol scie la trajectoire de ce personnage léger et enjoué. Juliet Lemonnier raconte son arrivée dans Demain nous appartient, et l’évolution de Rachel dans les intrigues.



Nongnghiepqueta.site : Qu’est-ce que la proposition de Demain nous appartient avait de séduisant pour que vous intégriez le casting ?


Juliet Lemonnier : J’ai aimé qu’on me propose d’incarner cette jeune femme libre et aventurière. Je n’ai lu qu’une scène où Rachel parle à Nordine de son voyage en Amérique Latine. C’était frais, plein de promesses… Au départ, on m’avait demandé de me rendre disponible dix jours tout en m’expliquant qu’il n’était pas exclu que ce personnage devienne récurrent. Maintenant, j’avance au jour le jour.


Rachel est la première victime d’un violeur en série. Comment l’imaginez-vous évoluer après cela ?


Ça remet tellement de choses en question ! Dans son corps, dans son rapport aux hommes, aux autres… tout est bouleversé. Comme toutes les victimes, elle va devoir avancer d’une manière ou d’une autre. Bien qu’elle soit très seule à Sète - on ne lui connait pas de famille - elle va quand même trouver du réconfort auprès de Timothée, de Bart et de Manon. J’ai aimé qu’on prenne le temps de la reconstruction, qu’on l’accompagne sur le chemin de la résilience, que tout ne se règle pas d’un claquement de doigts. C’est aussi une façon de respecter celles et ceux qui ont traversé une telle épreuve. Dès lors que l’agresseur sera arrêté, on va lui découvrir un envie de se battre, de retrouver de la puissance vitale. On avait envie de montrer que le soleil peut revenir. J’aurais trouvé ça dommage qu’elle s’éteigne complètement.


Quelle est, pour vous, la jolie découverte sur ce tournage ?


Entre les comédiens et les techniciens, tous formidables, c’est difficile de ne citer qu’une personne. Ce qui m’a marqué, c’est ce qui a précédé mon arrivée à Sète. Je suis maman d’un petit garçon d’un an et demi et j’avais des soucis pour le faire garder. On m’a mise en relation avec Maud Baecker (Anna Delcourt) qui, bien qu’elle ait quitté la série, m’a aidé à trouver une solution puisqu’elle s’était elle-même retrouvée face à cette problématique quand elle est devenue maman. Elle ne s’est pas contentée de m’aider à trouver une solution, elle m’a aussi préparée à intégrer la série. J’entendais le soleil dans sa voix. Il y avait une bienveillance sincère, et une réelle sororité entre nous alors qu’on ne se connaissait pas. Tout ce qu’elle m’a dit est arrivé et grâce à elle, je me suis retrouvée dans les meilleures dispositions possibles.


Sur place qui a été votre guide ?


David, mon coach référent. Il m’a présenté à tout le monde, il m’a expliqué comment fonctionne ce paquebot. C’était très rassurant de ne pas me sentir seule. L’accueil qui m’a été réservé était parfait.


Le milieu du cinéma et de la télévision est encore secoué de révélations post #MeToo. Avez-vous été confrontée à des situations, des comportements, des gestes ou des mots déplacés ?


Il n’y a pas que le ciné et la télé qui sont touchés. Tous les milieux le sont. Briser le silence est essentiel. C’est ce qu’ont fait Adèle Haenel et Judith Godrèche. Grâce à elles, d’autres victimes s’autorisent à parler. Moi aussi, j’ai été exposée à des prédateurs. Je me souviens d’une fois notamment où j’avais rendez-vous avec un producteur la veille de Noël, dans son bureau, à Neuilly. Mon amoureux de l’époque m’avait dit de me méfier mais je pensais qu’il était juste jaloux. Je me suis retrouvée seule avec ce type qui me proposait de boire et de partager une ligne de coke en me disant que c’était fun, que ça marchait comme ça dans le cinéma. J’ai eu un instinct de survie. J’ai réussi à m’échapper mais dans le taxi qui me ramenait, j’étais mal à cause de ce que je venais de vivre, du danger que j’avais senti mais aussi d’être partie parce que ce producteur m’a fait culpabiliser. Il a retourné la situation en sa faveur. C’est hyper pervers. J’ai vraiment cru que ma carrière allait s’arrêter là.

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